Nous considérons une stratégie comme une
combinaison de moyens d’actions adaptés, mis en œuvre pour atteindre un
objectif donné. Compte tenu de ses forces et des opportunités du marché, une
firme peut opter pour différentes stratégies de développement.
Avant toute prise de décision concernant une
action défensive, la firme va réagir en fonction de signaux perçus sur le
marché qui vont l’informer de l’entrée d’un produit nouveau, et de la firme qui
en est à l’origine. Ces informations vont lui permettre de réagir ou d’ignorer
l’entrée, selon qu’elle considèrera cette action comme menaçante ou non.
Des auteurs se sont intéressés à la réaction
de la firme destinataire d’un signal d’annonce de produit nouveau. Ils
considèrent que quatre types de réaction sont
possibles :
- décider de ne pas réagir,
- décider d’attendre et de
voir ce qui se passe avant de réagir,
- envoyer un contre - signal,
- agir.
Si la firme décide d’envoyer un contre-
signal, elle peut émettre en attendant un signal concernant l’introduction de
son propre produit nouveau, ou signaler une autre action potentielle. Si la
firme décide d’agir, elle peut introduire son propre produit nouveau, ou mettre
en œuvre d’autres actions marketing. Prendre d’autres mesures s ou signaler
d’autres actions peuvent impliquer des actions en termes de publicité, de
canaux de distribution, de force de vente, d’entrée sur un nouveau marché, de
modification du produit existant, et/ou de prix. Les réactions peuvent
également être caractérisées en termes d’agressivité et de rapidité.
Face à cette situation quelles
stratégies de défense mettre en place face à l’introduction d’un produit
nouveau ?
I- COMMENT RÉAGIR EN CAS D'ATTAQUE SUR SON MARCHE ?
La concurrence est un fait du libéralisme
économique et aucune entreprise n’est à l’abri d’une attaque sur ses positions
dominantes. On peut même affirmer que toute entreprise redoute l’arrivée de
concurrents sur son marché. Mais que ce soit par le fait d’un fabricant local
ou mondialisation aidant par le fait d’un importateur de produits étrangers,
cette menace est une réalité permanente que doivent affronter les entreprises,
des plus petites aux plus grandes.
Il faut pouvoir riposter efficacement si vous
êtes attaqués sur vos positions dominantes. Comment ?
2003 : OMO subit une violente attaque
de NIL
Mercredi 30 Juin 2004, salle des fêtes de
l’Hôtel Ivoire. Les actionnaires d’UNILEVER CÔTE D’ IVOIRE, filiale de l’un des
plus grands savonniers de la planète, sont réunis en Assemblée Générale
Ordinaire à l’effet de délibérer sur les comptes de l’exercice écoulé.
L’atmosphère est assez lourde pour cause de non distribution de dividendes. Que
s’est-il passé ?
Le nouveau Directeur Général, arrivé de Hong
Kong en septembre 2003 raconte : « … on m’avait dit avant mon départ qu’Abidjan
est une ville acquise à OMO. Je n’aurais qu’à consolider les positions déjà
acquises. J’ai dû faire le constat de moi-même dès mon arrivée. De l’aéroport
jusqu’à chez moi, je constatais la réalité, disons les dégâts ? C’était plutôt une
ville acquise à NIL, notre concurrent local. Il n’y avait qu’à regarder les
murs, les panneaux, les enseignes, etc.… ».
On peut lire à la page 11 du rapport
d’activités 2003 présenté par UNILEVER CI à cette assemblée Générale.
« … dans le secteur des poudres à laver où
nous sommes présents avec la marque OMO, notre position dominante a été
sérieusement attaquée par une marque concurrente. Nous avons donc dû réagir
vigoureusement par d’importantes actions publicitaires et promotionnelles,
ainsi que par le lancement d’un sachet de 15g, plus accessible en termes de
prix unitaire. Toutes ses actions ont fini par être payantes et nous observons
depuis quelques mois une remontée de nos ventes que nous n’avons eu d’ailleurs
de cesse de soutenir, afin de consolider rapidement la reconquête de nos parts
de marché ».
Faut-il le rappeler, UNILEVER est la
nouvelle dénomination du groupe BLOHORN, racheté par le gérant mondial il y a
quelques années. Comme vous le voyez, personne n’est à l’abri, car UNILEVER
c’est plus de 295 000 personnes et une présence dans plus de 150 pays à travers
le monde.
Que s’est-il passé ?
Courant 2003, la multinationale avait essuyé
un assaut de grande ampleur de son concurrent local, sur un marché où elle
bénéficiait d’une position fortement dominante pour cause de monopole de fait
depuis de longues années.
Un cas isolé ? Pas du tout !
De nombreuses entreprises Ivoiriennes vivent
chaque année cette même réalité. On peut citer AFRICA On Line attaquée par
AVISO il y a quelques années sur son marché principal. Dans le milieu de la
presse écrite, des précurseurs de nouveaux marchés comme TOP Visages pour le
showbiz ou GBICH pour la presse humoristique ont vu leur position attaquée par
une flopée de concurrents pour le premier (DECLIC, ABIDJAN MAGAZINE, PLANETE
BIZ, etc. …) et par YA FOHI par le second. Certaines entreprises réagissent
avec efficacité et réussissent à récupérer les positions momentanément perdues
au profit de la concurrence. Toutes n’ont pas cette chance et d’autres se font
rafler leurs positions dominantes sinon une bonne part de marché. Le résultat
est fortement dépendant de la stratégie découlée pour faire face.
II- COMMENT SE
DEFENDRE EN CAS D’ATTAQUE ?
1. La défense avant
l’entrée
La défense avant l’entrée peut prendre
plusieurs formes.
Tout d’abord, lorsqu’elles ont connaissance
qu’un produit nouveau va être lancé sur le marché, les firmes essaient d’agir
avant l’introduction effective. Mais cette situation est assez rare,
puisqu’elle ne concerne que six entreprises, où la petite taille du marché
permet une meilleure circulation de l’information venant des concurrents Les
entreprises qui décident de réagir, le plus souvent, ne sont pas informées des
innovations de leurs concurrents avant qu’elles ne soient sur le marché. C’est
pourquoi, plutôt que d’utiliser une politique de dissuasion avant l’entrée
ponctuelle, elles choisissent d’adopter une stratégie permanente de défense qui
peut prendre différentes formes :
- Elles peuvent avoir une stratégie de concentration ou de niche, en essayant de devenir
très performantes dans un domaine très spécifique ;
- Elles peuvent également adopter une stratégie de
différenciation en
personnalisant les produits et en réalisant du sur mesure ;
- Enfin, elles peuvent chercher à être
en permanence innovante,
de manière à se trouver systématiquement en position de pionnier.
L’adoption de ces différentes stratégies
n’est p as exclusive, étant donné que la plupart des entreprises en utilisent
plusieurs simultanément.
2. La défense après l’entrée
Dans la majorité des cas, les entreprises
sont contraintes de réagir après l’entrée du produit nouveau sur le marché
étant donné qu’elles n’ont pas d’information sur le lancement d’un produit
concurrent. Une fois que ce produit concurrent est lancé, elles ont plusieurs
moyens à leur disposition pour se défendre : les différents éléments du
marketing mix, et éventuellement la qualité de leurs produits ou services.
- L’affrontement par la distribution. Certaines des entreprises interrogées
utilisent la distribution pour se défendre. Elles peuvent par exemple décider
de développer leur réseau grâce à Internet, utiliser le marketing direct o u
encore faire du commercial collectif.
- L’affrontement par les prix. Certaines des entreprises
interrogées ont également choisi de se défendre en modifiant les prix de leurs
produits, mais cette pratique n’est pas la plus courante.
- L’affrontement par la promotion. L’un des éléments du marketing mix
utilisés pour contrer un produit nouveau peut également être la promotion. Celle-
ci peut prendre différentes formes selon le type d’activité et la taille des
entreprises : publicité, campagnes promotionnelles, augmenter la présence dans
les salons.
- L’affrontement par le produit. L’affrontement par le produit constitue
le moyen de défense le plus employé par les firmes interrogées. Selon la menace
que représente le produit concurrent, selon leur capacité à innover et
selon leur stratégie globale, elles choisissent de créer un produit différencié
ou un produit très proche du produit concurrent, qui sera alors un produit
imité.
- L’affrontement par un produit
différencié : son utilisation est justifiée par la
stratégie globale de l’entreprise.
- L’affrontement par un produit
imité : il a lieu lorsque le produit nouveau
concurrent n’est pas considéré comme véritablement innovant. Il s’agit alors de
représailles exercées immédiatement avec un produit nouveau qui est une copie
de celui du concurrent. Les entreprises interrogées sont également victimes
d’un affrontement par un produit imité lorsque elles- mêmes ont introduit un
produit nouveau.
- L’affrontement par la qualité. Certaines entreprises
choisissent de riposter à l’introduction d’un produit nouveau en renforçant la
qualité et la valeur ajoutée de leurs produits ou services qu’elles considèrent
être leurs atouts.
3. L’absence de réaction
L’absence de réaction immédiate de
l’introduction d’un produit nouveau peut avoir plusieurs
significations : l’entreprise décide d’abandonner l’activité
étroitement liée au produit nouveau, elle ignore l’attaque, s’en accommode, ou
décide de réaliser une étude approfondie afin de déterminer le potentiel de ce
produit nouveau.
L’abandon. Parmi les entreprises interrogées, six
se sont trouvées dans l’obligation d’abandonner la production ou la
commercialisation d’un produit nouveau, car les concurrents les ont imitées.
C’est une décision qui est souvent prise par les plus petites entreprises qui
ne sont pas de taille à affronter celles qui ont une position dominante.
L’attaque ignorée. La plupart des entreprises
interrogées se sont trouvées dans des situations face auxquelles elles ont
volontairement décidé de ne pas réagir et d’ignorer l’attaque.
Ceci s’est produit lorsqu’elles ont estimé
que le produit nouveau serait un échec, soit en raison des caractéristiques
intrinsèques du produit, soit parce qu’elles ont estimé que le marché ne serait
pas sensible à ce produit.
Une autre raison est que le produit nouveau
ne constitue pas une menace pour leurs parts de marché ou encore si
l’entreprise est en position de leader sur son marché.
L’accommodation. Seulement trois des entreprises
interrogées ont avoué devoir s’accommoder de l’introduction d’un produit
nouveau, principalement par manque de moyens et de temps.
Phase d’étude avant de réagir. Neuf des entreprises interrogées
ont expliqué qu’elles préféraient réaliser une étude plus approfondie afin de
valider l’intérêt de développer un produit nouveau. Ce sont des entreprises qui
appartiennent au secteur industriel et qui ont des produits nécessitant une
technologie élevée, ce qui justifie probablement la nécessité de réaliser une
étude de marché ou technique. C’est cette phase d’étude qui déterminera une
éventuelle riposte ultérieure.
Riposte future. La riposte future a été abordée
par les entreprises en situation d’accommodation espérant pouvoir réagir
ultérieurement malgré un problème de moyens.
4. La menace perçue
Selon les études qui nous ont été rapporté
les facteurs qui influençaient les réactions défensives des entreprises, en
d’autres termes leurs motivations à réagir, ainsi que ce qui conditionnait la
force, la rapidité et la direction de leur réponse.
La difficulté de se différencier. Trois des managers interrogés
perçoivent la difficulté de se différencier de leurs concurrents comme une
menace importante. Cette difficulté de se différencier conduit ces entreprises
à se défendre avant l’entrée en cherchant en permanence à innover afin de se
trouver en situation de pionnier.
Le degré d’innovation du produit
nouveau. Fréquemment
citée par les managers interrogés, l’entrée ou l’annonce de produits nouveaux
concurrents constitue une menace qui les conduit à réagir. Mais ce n’est
pas uniquement l’entrée effective du produit qui représente une menace, c’est
avant tout le degré de nouveauté contenue dans ce produit. La réaction qui
découlera de l’entrée du produit nouveau dépendra donc en grande partie du
caractère stratégique et du potentiel de développement que peut
représenter le nouveau produit ou marché. L’intensité de la menace est ici
fortement liée à la croyance dans le succès du produit nouveau.
L’insatisfaction des clients. Le risque de perdre un client
parce qu’il est davantage satisfait par le produit nouveau d’un concurrent
constitue une menace importante pour les managers interrogés. Ils sont donc
très à l’écoute de leurs besoins et attentes afin de leur fournir au mieux les
produits les mieux adaptés à leurs besoins.
Les concurrents pénétrant sur le
marché. L’entrée d’un produit nouveau peut représenter une menace lorsque
celui- ci est commercialisé par un nouveau concurrent pénétrant sur le marché.
En général, il ne s’agit pas d’une firme
récente mais plutôt d’une firme présente sur d’autres marchés et qui pourrait
décider d’entrer sur celui de la firme établie.
Les contextes. Les contextes associés à
la firme propriétaire du produit nouveau et à l’environnement constituent
également une menace pour certains managers. En effet, la situation de leader
du concurrent constitue une menace majeure, ou encore qu’il soit considéré
comme un concurrent majeur.
La perte de ventes. Enfin, la dernière menace
perçue par les managers interrogés correspond à la perte de ventes ou de parts
de marché. En fait si les concurrents « s’attaquent » à leurs
clients, ils seront fortement incités à réagir.
Notre objectif était de déterminer pourquoi
et comment une entreprise peut réagir dans le cadre de l’introduction d’un
produit nouveau concurrent sur le marché. La réponse s’est opérée en deux temps.
D’une part, la revue de littérature nous a
permis d’établir les fondements théoriques de l’étude exploratoire, et d’autre
part, les résultats obtenus ont conduit à l’élaboration d’un modèle conceptuel
sur les comportements de défense des firmes et les déterminants de ces
comportements.
La concurrence est un fait du libéralisme économique et aucune entreprise n’est à l’abri d’une attaque sur ses positions dominantes. On peut même affirmer que toute entreprise redoute l’arrivée de concurrents sur son marché. Mais que ce soit par le fait d’un fabricant local ou mondialisation aidant par le fait d’un importateur de produits étrangers, cette menace est une réalité permanente que doivent affronter les entreprises, des plus petites aux plus grandes.
RépondreSupprimer